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ISOLINE

l’autre bord auxquels ils semblent confier quelque mystère.

Damont a plié sa voile, car le vent est banni de ce lieu charmant, les rames égratignent le miroir pur presque sans bruit, on se laisse aller à un silence contemplatif plein de douceur.

Tout à coup un chant retentit sur l’eau : ce sont des marins qui égayent leur route ; on dirait un cantique un peu funèbre, tant leurs voix sont traînantes et tristes. La chanson de mer pourtant n’a rien de maussade :

Chantons pour passer le temps
Les amours charmants d’une jeune fille.
Partie du port de Lorient,
La belle s’en va rejoindre son amant.

— « La connaissez-vous, cette chanson ? dit Isoline à Gilbert. Damont me l’a apprise et j’aime beaucoup cette histoire ; l’amant est un capitaine, et pour ne pas le quitter, la jeune fille, déguisée en mousse, s’engage sur le navire. Il est frappé par une ressemblance, mais le faux marin se défend. Écoutez. »

Le bateau passait tout près.

Monsieur, vous me surprenez,
Vous me plaisantez, vous me faites rire ;