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ISOLINE

rogea sur les terres lointaines. Gilbert parla de l’Inde et de ses forêts géantes, des fleurs prodigieuses dont le parfum grise, et des papillons, pétales envolés, et des oiseaux, pierreries vivantes. Elle entrevit, passant entre les troncs minces des bananiers, des femmes à la peau brune, serrées dans des pagnes blancs, leurs cheveux bleus finement nattés et des anneaux d’or aux narines ; et des esclaves noirs, et les éléphants sous le tendelet de soie, écrasant de leur large pied les fleurs et les broussailles. Puis il lui parla de la Cochinchine et de ses ruines superbes, des Antilles, du Sénégal au perfide climat. Un désir de s’échapper, de fuir, lui venait. Que de choses ignorées de la pauvre solitaire ! Est-ce que vraiment le présent valait la peine de vivre ? Ces héros batailleurs, dont elle avait l’esprit hanté, avaient-ils leurs égaux dans ces pays singuliers ? Et elle questionnait encore sur les mœurs, sur les hommes. La beauté des costumes surtout l’étonnait.

— « Mais pourquoi êtes-vous revenu ? disait-elle.

— Le devoir ! »

Ce mot la jetait dans des rêveries. On se dévouait donc encore, on donnait sa vie pour