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ISOLINE

Je suis un pauvre matelot
Qui s’est engagé à bord du vaisseau.
Je suis né à la Martinique,
Je suis un garçon unique
Et c’est un navire hollandais
Qui m’a débarqué au port de Calais.

— « Oui, je me souviens, dit Gilbert, mes matelots la chantent quelquefois. »

Les voix s’éloignaient :

Ils sont bien restés trois ans
Sur le bâtiment sans se reconnaître.
Ils sont bien restés trois ans,
Se sont reconnus au débarquement.

— « Pourquoi ce chant naïf me trouble-t-il aujourd’hui ? se disait Gilbert. Je l’ai entendu cent fois sans y prendre garde. »

Isoline le regardait plus doucement. N’était-il pas, lui aussi, un capitaine qui partirait bientôt sur son navire, mais seul et probablement désespéré. Et puisqu’elle ne voulait plus vivre que ce printemps, ce départ n’était-il pas pour elle l’événement dernier de sa vie inutile ?

— « Nous partirons tous deux au même moment », se dit-elle.

Puis elle songea aux pays où il irait et l’inter-