Page:Gautier - L’Orient, tome 1, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
305
L’INDE.

qu’à ce qu’il éclate, ce qui est sa manière de se révolter. La machine relève l’homme et l’animal d’un labeur, d’une fatigue ou d’un ennui ; elle a déjà racheté le galérien de la rame, la bête de somme du charroi ; bientôt elle labourera à la place du bœuf, qui, s’il nous donne encore sa chair, au moins ne nous donnera plus ses sueurs et ses essoufflements sous le joug, qui font de son meurtre presque un fratricide. Elle file, elle scie, elle martelle, elle tisse à la place d’innombrables malheureux courbés sur leur métier ; et chaque jour le temps pour la pensée, la rêverie, l’étude, devient plus large et plus long. Quelques générations, hélas ! périront sans pouvoir trouver place dans le nouvel ordre ; mais ceux qui viendront plus tard pourront faire des vers, peindre, combiner des inventions, chercher les secrets de la nature, qui aime à se laisser crocheter ses cadenas. Les esclaves de fer feront l’ouvrage ; la matière domptera la matière, et le travail de l’homme deviendra purement intellectuel.

Certes, ce n’est pas nous, poëte et penseur,