Page:Gautier - L’Orient, tome 1, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/198

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
186
L’ORIENT.

n’est-il pas le berceau même de toutes les croyances du monde ? Interrogez le premier montagnard qui passe : il vous dira que c’est sur ce point de la terre qu’eurent lieu les scènes primitives de la Bible ; il vous conduira à l’endroit où fumèrent les premiers sacrifices ; il vous montrera le rocher taché du sang d’Abel, plus loin existait la ville d’Énochia, bâtie par les géants et dont on distingue encore les traces : ailleurs, c’est le tombeau de Chanaan, fils de Cham. Placez-vous au point de vue de l’antiquité grecque et vous verrez aussi descendre de ces monts tout le riant cortège des divinités dont la Grèce accepta et transforma le culte propagé par les émigrations phéniciennes. Ces bois et ces montagnes ont retenti des cris de Vénus pleurant Adonis, et c’était dans ces grottes mystérieuses où quelques sectes idolâtres célèbrent encore des orgies nocturnes qu’on allait prier et pleurer sur l’image de la victime, pâle idole de marbre ou d’ivoire aux blessures saignantes, autour de laquelle les femmes éplorées imitaient les cris plaintifs de la