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L’ORIENT.

vous bercer par le pas rhythmique des péons dans ce somptueux palanquin aux brancards d’ivoire, aux plaques d’argent repoussé, aux rideaux de soie brochée et lamée d’or, où la songerie doit être si douce, où le sommeil doit arriver si aisément.

Quand on pense aux selles anglaises si nues, si pauvres dans leur froide correction, relevée, pour tout agrément, de quelques piqûres, on reste épouvanté de la folie prodigue de la sellerie indienne. Sur ces arçons et ces troussequins qui confondent les formes du moyen âge et de l’Orient, la fantaisie luxueuse de l’ouvrier a semé les arabesques et les pierreries avec une verve effrénée d’éclat. Ce n’est pas une selle, c’est un joyau d’une grande dimension, c’est un écrin avec des étriers. Rien n’est assez précieux ; le velours disparaît sous l’or, l’or sous les turquoises, les grenats, les rubis et les diamants. Ne croyez pas, d’après cela, à une richesse lourde, à une opulence massive : l’art y vaut encore plus que la matière ; le goût le plus pur, le plus fin, le plus inventif, a ciselé,