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LE DANUBE.

tout cette Hongrie pittoresque et sauvage qui ne commence guère qu’au delà du pont de Szolnok.

Quand on a franchi la Theiss sur le pont chancelant, un horizon indéfini se déploie devant les yeux comme un océan immobile. La plaine s’étend brune et bleuâtre, miroitée de flaques d’eau et de marécages au-dessus desquels tournent des vols d’oiseaux aquatiques ; seule, la silhouette d’un puits, dressant sa poutrelle comme l’antenne d’un mât, se dessine sur le ciel et rompt la monotonie de la ligne droite. Quelques charrettes traînées par des bœufs, des voitures de paysans attelées d’un quadrige de petits chevaux échevelés et farouches sillonnent les chemins défoncés, profondes ornières creusées dans un sol meuble. — Là, commence la Hongrie caractéristique où les vieilles mœurs se sont le mieux conservées, où le sang a subi le moins de mélange. — Le steppe, comme la pampa d’Amérique, comme le despoblado d’Espagne, comme le désert d’Afrique ou d’Asie, sert d’asile à des popula-