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L’ORIENT.

sonances et de notes fausses. Nous dirons tout à l’heure pourquoi, en résumant nos idées sur l’art, le goût et l’industrie des barbares.

Il y a une notable différence entre le goût turc et le goût indien. Une rapide inspection des vitrines qui contiennent les produits des deux pays tous la fait sentir tout d’abord. On comprend qu’on est en présence de deux civilisations, ou, si vous l’aimez mieux, de deux barbaries différentes. L’énorme panthéon des dieux hybrides se réfléchit dans l’art indien par un fourmillement lumineux et une multiplicité touffue qui ne se retrouve pas dans l’art mahométan, plus sobre, plus contenu, sur lequel plane un dieu solitaire et jaloux, Allah, l’iconoclaste qui ne veut voir son image nulle part. L’Inde, même dans sa beauté, a nous ne savons quoi de monstrueux, d’excessif, de démesuré, que n’ont ni l’Espagne, ni la Turquie ni l’Afrique de l’islam, toujours réglées, même dans leurs excès fastueux, par une sorte de goût relatif. On n’y voit pas ce vertige de somptuosité folle, cette débauche effrénée de splendeur, cette rage insensée de