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Page:Gautier - L’Orient, tome 1, Charpentier-Fasquelle, 1893.djvu/367

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LES BARBARES MODERNES.

faut-il, par ces accouplements qui réussissent si mal, consulter scientifiquement les affinités prismatiques. Ce doit être cette impuissance confusément sentie qui nous a poussés à adopter les teintes neutres de notre uniforme noir. Notre costume contient l’aveu implicite de nos disgrâces dans ce genre. Nos bleus sont si crus, nos rouges si durs, nos jaunes si criards, nos roses si vineux, nos verts si malsains, que nous avons renoncé à les employer, et qu’ils donnent quelque chose de commun à quiconque ose les porter. Désespérant de l’harmonie, nous nous sommes jetés dans l’effacement, et nous avons évité, par un deuil général, ces contrastes qui grincent à l’œil, et que nous ne savons pas ménager. Et cependant voyez un Turc vêtu de l’ancien costume oriental ; malgré la diversité des couleurs, le papillotage des détails, l’éclat des broderies d’or et d’argent, il reste toujours harmonieux, et charme l’œil comme un bouquet. Faites exécuter les pièces de ce costume par les ouvriers européens les plus habiles, vous produirez un affreux charivari de tons pleins de dis-