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LE DANUBE.

vilisation, et dont ses aquarelles seront bientôt le seul témoignage ; aucun peintre ne s’était jusqu’à lui hasardé à travers ces plaines immenses où galopent des bandes de chevaux en liberté ; ces landes de bruyère où le Tsigane joue du violon sur le seuil du cabaret hanté par les bandits ; ces pustas que domine le berger rêveur, immobile comme une statue sous son épais manteau imperméable à la pluie, dont les fils grisâtres hachent le ciel brumeux ; ces marécages drapés d’herbes aquatiques ; ces routes, ornières de boue, qui cahotent si durement le chariot de poste attelé de petits chevaux échevelés et maigres. Outre le talent de l’artiste, il faut une véritable vocation de voyageur pour affronter et supporter les fatigues, les privations, les ennuis et même les dangers d’explorations pareilles : ces qualités, M. Valerio les possède au plus haut point. À peine revenu d’un voyage périlleux pendant lequel sa patience à souffrir eut plus d’une occasion de s’exercer et qui eût dégoûté tout autre, M. Valerio ne put résister à cette idée que l’armée irrégu-