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L’ORIENT.

l’usage, le général vaincu. On regrette Hamilcar, et l’on vote des holocaustes pour son retour. La république paye cher son ingratitude envers ce grand homme, le seul peut-être qui pût la sauver.

Tout à coup l’annonciateur des lunes, qui veille toutes les nuits au haut du temple d’Eschmoun, signale une galère à trois rangs de rames qui fend l’azur d’un vol léger. À la proue, un cheval d’ivoire semble piaffer dans l’écume, et près du pilote, en s’abaissant, la voile découvre un homme debout, la tête nue, les flancs cerclés de fer avec une pourpre qui lui tombe de l’épaule. C’est Hamilcar, envoyé sans doute par les Baalim, protecteurs de la cité. La galère rase, au coin du môle, l’idole destinée à arrêter les tempêtes, et pénètre dans le port militaire où moisissaient quelques vaisseaux désemparés exhalant encore la senteur des voyages lointains et montrant les cicatrices des combats anciens. Le suffète de la mer franchit le seuil de la maison amirale, et sous le vestibule retrouve les cendres de la cassolette