Page:Gautier - L’Usurpateur, tome 2.djvu/268

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— Tu demeures donc sourd à nos voix ? dit le siogoun, nos prières n’ont donc aucun pouvoir sur ton cœur ?

— Si elle était perdue pour toi, dit le prince en désignant Omiti, consentirais-tu à vivre ? Ô toi, à qui j’ai confié le secret terrible de ma vie, ne comprends-tu donc pas à quel point l’existence est pour moi douloureuse ? Ne vois-tu pas quelle joie brille dans mes yeux maintenant que je touche au terme de mes souffrances ? C’était pour te servir que je ne me suis pas délivré depuis longtemps du supplice de vivre. Tu n’es pas victorieux comme je l’aurais voulu, mais je te vois dans une retraite pleine de fleurs, de joie, d’amour ; tu seras heureux, sinon puissant ; tu n’as plus besoin de moi, je suis libre, je puis mourir.

— Ah ! ami cruel, dit Fidé-Yori, je vois bien que ta volonté est irrévocable.

— Hâtez-vous, dit le prince, vous n’avez que trop tardé. Gagnez la barque. Raïden vous cachera sous les plis de la voile jetée au fond du bateau, puis il prendra les rames, Loo tiendra le gouvernail.

— Non ! non ! s’écria l’enfant qui se cramponnait à la robe de son maître, je ne veux pas partir, je veux mourir avec toi.

— L’obéissance est la première vertu d’un bon serviteur. Loo, dit le prince doucement,