Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/33

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L’idée chrétienne se complète par l’idée catholique. Grégoire VII est couronné pape : l’Eglise ne se contente plus de la puissance spirituelle ; il lui faut encore le pouvoir temporel ; le pape, chef suprême du monde catholique, ne veut voir dans les empereurs et les rois que des vassaux et des feudataires. En effet, n’est-il pas infaillible, vicaire de Dieu, presque Dieu ? Ne possède-t-il pas l’anneau de saint Pierre et les clés d’or qui ouvrent ou ferment le paradis ? Et à qui le rêve de l’unité est-il plus permis qu’à Grégoire VII, qu’à l’orgueilleux pontife qui excommunia l’empereur Henri et le fit rester trois jours pieds nus, la laine sur la peau, en plein hiver, avec sa femme et son enfant en bas âge, à la porte du château de Canossa, implorant sa grâce et son absolution ? Il y a loin de l’humble prêtre des catacombes, officiant sur un autel informe, sous la jaune lueur d’une lampe sépulcrale, à ces façons violentes et superbes.

O doux Jésus, qui prêchiez sur la montagne, reconnaîtriez-vous là votre doctrine, et ce hautain Grégoire, est-il vraiment, malgré son infaillibilité et son orthodoxie, un continuateur de vos idées et de vos sentiments ? Les fidèles hérétiques, les pieux incrédules dont Chenavard vous a entourés, ne sont-ils pas plus près de vous que Grégoire ? et cependant, c’était un plan grandiose que celui de réunir dans un seul corps les membres disloqués du monde antique et de reconstituer, au profit du catholicisme, l’unité de l’ancien monde romain ; pour y parvenir, la Rome païenne avait admis dans son panthéon tous les dieux vaincus ; la Rome chrétienne voulait imposer son dogme à tous les peuples et se faire ainsi le grand juge de la conscience universelle : ce dessein, quoiqu’il n’ait pas été entièrement