Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/46

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La même ordonnance est suivie pour les autres piliers. Le second appartient à l’art, à la poésie : enfant, le genre humain a cru à la divinité ; jeune homme, c’est à la beauté qu’il croit. La figure de la Poésie, les ailes palpitantes et la tête levée, semble regarder fixement le soleil plus haut monté sur l’horizon, et dont les rayons lui servent d’auréole. L’Humanité et à son midi ; elle appuie les pieds sur un Génie qui joue avec un masque où brillent les fraîches couleurs de la jeunesse.

La statue caractéristique de ce pilier est Homère. Sa figure exprime l’attention et l’inspiration. Il est aveugle pour montrer que le poëte doit procéder non par la vision immédiate, mais par l’intuition par l’œil intérieur ; il s’appuie sur sa lyre et semble écouter les récits primitifs et les légendes naïves, sources de la poésie. Le caisson supérieur est rempli par un sujet emprunté à la muse antique d’André Chénier :


Dieu dont l’arc est d’argent, dieu de Claros, écoute :
O Sminthée Apollon, je périrai sans doute,
Si tu ne sers de guide à cet aveugle errant.
C’est ainsi qu’achevait l’aveugle en soupirant,
Et près des bois marchait faible, et sur une pierre
S’asseyait. Trois pasteurs, enfant de cette terre,
Le suivaient, accourus aux abois turbulents
Des molosses, gardiens de leurs troupeaux bêlants.

Sur les deux autres faces du triangle formé par le pilier, Le peintre a placé Socrate, type de la beauté morale, buvant la ciguë, et Phidias, représentant la beauté plastique, qui, accusé de vol, détache de la statue d’ivoire et d’or de Pallas les morceaux de métal dont on prétend qu’il