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Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/52

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divinité sous des formes diverses. Le premier avatar qui se présente après Wishnou a un corps d’homme terminé en poisson, et quatre mains dont chacune tient un symbole différent des forces de l’univers. Shiva, monté sur le bœuf Nandi, marche au bord du fleuve ; il porte le sceptre et les balances de la Justice, dont il est le dieu. Ensuite arrivent Indra, juché sur Ivarat, le monstrueux éléphant à trois trompes, Marcandata le nageur, Bhavani porté par un lion, Scanda, le Mars indien, monté sur un paon, balançant ses têtes multiples, et ses mains nombreuses agitant toutes sortes d’armes et d’étendards ; Yama, le Pluton grec, figure farouche et sinistre qui, accroupie sur le dos d’un buffle, tient les balances de la justice et les serpents, symbole de vengeance ; Boudhevi, déesse de la mauvaise fortune, cheminant au petit pas de son âne, humble et piteuse monture, et soutenant son étendard, sur lequel est peint un corbeau ; Varouna, dieu des eaux, chevauchant un crocodile et faisant claquer un fouet ; et enfin, Conveia, le plus abject et le plus bestial de tous ; Conveia, le dieu des richesses, avec son ventre énorme et les nœuds de serpents qui l’entourent. La procession indienne, partie de la Trimourti, immobile, s’avance d’un pas majestueux et lent, presque insensible ; elle suit les ondulations et les replis du Gange où plongent les éléphants et les grands animaux, et se détache sur le fond bleuâtre des montagnes lointaines de l’Himalaya. Le cours stagnant, pour ainsi dire, de son défilé, indique l’esprit stationnaire de l’Inde, où chaque pas met des siècles à s’accomplir.

Après avoir descendu le fleuve sacré, tantôt un pied dans l’eau, tantôt un pied sur la rive, la procession émerge des ondes du Gange avec Mithra, dieu du jour, personnification