Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/51

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celles d’un héros, d’un poëte ou d’un philosophe.

Essayons de donner une idée de cette prodigieuse procession près de laquelle la frise du Panthéon n’est qu’une miniature et qu’un jeu d’enfant.

Dans l’angle le plus obscur, près de la porte d’entrée, le peintre a placé le chaos, où se forme déjà la bizarre figure de la Trimourti, rassemblant en elle tous les principaux symboles du panthéisme indien. – Brahma], Wishnou et Shiva, c’est-à-dire les pouvoir créateur, conservateur et destructeur, s’y mélangent avec des attitudes et des enlacements étranges où l’œil a peine à se retrouver ; tout est confus, énigmatique et sombre dans cette forme inextricable qui se débrouille du néant. Près de ce buisson touffu de têtes et de bras se montrent à demi, sous un voile qui dérobe leur union mystique, Brahm et Santi, d’où naquit l’androgyne Brahm-Maya, tenant d’une main la chaîne des êtres, fixée en outre à son pied gauche, et de l’autre main agitant la ceinture magique dont Vénus héritera plus tard. Cette figure aux traits indécis et gracieux, type des hermaphrodites grecs, est assise au sommet du mont Mérou, sur un lotus épanoui, symbole de l’alliance du feu et de l’eau. A ses pieds sont accroupis le tigre et le bœuf, et coule le Gange, fleuve saint dans lequel se plongent plusieurs divinités, tandis que d’autres en suivent le cours.

Un peu plus loin Wishnou, couché sur un lit de lotus, est porté par les replis du grand serpent, qui élève au-dessus du dieu endormi ses sept têtes formant une espèce de dais. Du sein de Wishnou sort le lotus soutenant Ganesa, dieu de la sagesse et du succès. Sur ses genoux s’accoude Lackmi, sa belle épouse.

Ici commence la série des avatars ou incarnations de la