Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/64

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qui porte l’aigle ; de sorte que cette seconde antiquité recommence comme la première par une mythologie. La civilisation du Midi et celle du Nord ont chacune un Olympe à un de leurs bouts.

Les Alaric, les Genséric et les rois lombards se soumettent au christianisme, qui leur est enseigné par les Augustin, les Pélage, les Manès, mêlés aux papes Léon et Grégoire. Bélisaire aveugle tend son casque sur le bord du chemin, tandis que passent, appuyés l’un sur l’autre, le jurisconsulte Tribonien et l’eunuque Narsès, vainqueur de Totila. Saint Benoît et ses moines marchent vers le mont Cassin, portant les manuscrits qu’ils nous ont conservés en les copiant dans la solitude laborieuse du cloître.

Ici la procession chrétienne s’efface derrière la colonne engagée et abandonne le premier plan pour quelques siècles : la civilisation est entre les mains mahométanes. L’Islam prévaut. Le Coran oppose ses suras [sic] aux versets de l’Evangile ; le croissant lutte contre la croix et paraît l’emporter.

A cet endroit la frise domine les panneaux consacrés à la cour d’Haroun-al-Raschid. Elle nous montre les Arabes dans leurs costumes efféminés et féroces, l’œil ébloui de merveilles et l’oreille tendue comme le sultan Schariar aux contes des Milles et une Nuits, que leur murmure dans la brise chargée de parfums, une Scheherazade fantastique, la fée du Ginnistan, la péri des incantations orientales ; les califes Almanzor, Almamoun, Abulféda, historien et géographe lui-même, semblent, comme Haroun-al-Raschid, guider et protéger le chœur scientifique et poétique des Averroès, des Saadi et autres Arabes illustres. Ils ont pour fond un délicieux jardin plein de roses