Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/77

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cercle, sont groupées plusieurs figures symbolisant les substitutions du monde moderne au monde ancien : Attila, coiffé d’un casque bizarre et sauvage, où palpitent des ailes ce corbeau, imbriqué d’une armure féroce, renverse sur les degrés Romulus, personnification de l’empire romain, et que sa louve essaie en vain de défendre ; le barbare balance une masse d’armes toute hérissée de pointes, dont il frappe sur la tête de sa victime : ce geste justifie le surnom de fléau de Dieu qu’il se donnait à lui-même. Un peu plus bas Charlemagne est agenouillé dans les plis d’un manteau royal, tenant en main le globe du monde surmonté de la croix. Le pape lui pose la couronne sur la tête. Ils sont là tous les deux, seuls dans leur majesté profonde ; et, pour nous servir des termes du monologue de Charles-Quint.


L’univers ébloui contemple avec terreur


Ces deux moitiés de Dieu, le pape et l’empereur.


En arrière se tient Justinien, l’auteur du Code, dont Charlemagne, l’auteur des capitulaires, semble hériter.

Derrière ces différents personnages se lèvent deux figures mystérieuses que l’histoire ignore, mais que la légende revendique ; l’un est l’enchanteur Merlin, l’autre la fée Mélusine, cette femme rare, « qui n’était serpent qu’à moitié, » comme Henri Heine l’a dit spirituellement quelque part. Le peintre a voulu caractériser ainsi la croyance aux fées et à la sorcellerie, qui joue un si grand rôle dans tout le moyen âge, et désigner les épopées fabuleuses du cycle carlovingien, iliades chevaleresques où les douze pairs font pâlir les exploits d’Achille.