Page:Gautier - L’art moderne, Lévy, 1856.djvu/78

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C’en est bien fini avec le vieux monde ; le christianisme s’est substitué au polythéisme, la barbarie du Nord à la civilisation du Midi, l’empire d’Occident à l’empire d’Orient. La légende elle-même s’est renouvelée. Le merveilleux romantique a chassé le merveilleux classique. Les fées, les gnomes, les sylphes, les goules, remplacent les magiciennes de la Thessalie, les génies, les larves et les lémures. L’idéal a pris d’autres formes : ce n’est plus la Toison d’or que cherchent les aventuriers, mais le Saint-Graal, c’est-à-dire la vase où a été recueilli le précieux sang de Jésus-Christ, le jour de la passion.

Il ne reste plus rien de l’antiquité, pas même ce qui survit aux religions détruites, aux empires renversés, une superstition et une fable !

Mélusine et Merlin, dans ce grand résumé des manifestations de l’intelligence humaine, devaient occuper une place importante. Le verbe, lorsqu’il veut parler à des peuples enfants, doit emprunter la forme du conte et se vêtir, pour attirer l’attention paresseuse ou affaiblie, des splendides vêtements de la fiction.

Nous voici maintenant dans l’époque moderne. Le verbe continue à se transmettre en élargissant toujours ses ondulations infinies.

Sur une vaste terrasse, s’étale une composition qui rappelle l’école d’Athènes de Raphaël. Des poëtes, des artistes, des savants, des politiques, des inventeurs, des philosophes, des législateurs, tous ceux enfin qui, au moyen de l’idée formulée en verbe, concourent au développement de l’unité humaine, rêvent, dessinent, travaillent, intriguent, cherchent, spéculent, écrivent, formant des groupes harmonieusement balancés, les uns debout, les autres assis,