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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

de Pampelune[1], Aspremont[2], certaines parties de l’Entrée en Espagne[3] ; tels enfin que cette compilation sur Charlemagne[4] à laquelle appartiennent Beuves d’Hantone, les Enfances Charlemagne, les Enfances Roland, les Enfances Ogier et le Macaire publié par MM. Guessard et Mussafia[5]. Il faut toutefois nous expliquer nettement sur ces Chansons, qui d’ailleurs ne sont italianisées ni au même degré, ni de la même façon l’une que l’autre. On a prétendu que la langue de ces poëmes était un dialecte spécial à l’usage de l’Italie du Nord : nous avons essayé longuement de démontrer le contraire, et avons cru prouver jusqu’à l’évidence que des vers tels que les suivants : « Davanti li roi fu la raïna mené, — E fu vestua d’una porpora roé. — Sa faça, que sol eser bel e coloré, — Or est venua palida e descoloré[6] ; que de tels vers, disons-nous, sont des vers français

  1. Manuscrits français de la Bibliothèque de Saint-Marc, no v. Ce texte a été publié de par M. Mussafia. (Vienne, 1864, in-8o.)
  2. B. N. 1598, et Manuscrits français de la Bibliothèque de Saint-Marc, no iv et vi.
  3. Bibliothèque de Saint-Marc, Manuscrits français, no xxi. Nous avons publié une Analyse complète de cette compilation et des Extraits importants (un millier de vers environ).
  4. Bibliothèque de Saint-Marc, Manuscrits français, no xiii.
  5. F. Guessard, Macaire, dans le Recueil des anciens poëtes de la France, t. IX, 1864. — Ad. Mussafia, à Vienne, en 1864 (en même temps et dans le même volume que la Prise de Pampelune).
  6. Ces vers sont extraits de Macaire et peuvent servir de type ; mais en voici du Roland de Venise, auxquels s’appliquent les mêmes observations : A nostri infanti fara trençer le teste. — Assa e meio che il la via perde, — Che no perdamo clere Spagne la belle. Et, plus loin : Ses aste e fraita et son escu detrencié ; — De soa bocla non a que meço pié ; — E son oberg ronpu et desmaié — E de s’espée sanglant n’oit l’aschié. — El vient del’ camp ô li culpi fu fié : — Deus ! qual baron se il fu cristié ! — Al roi Marsilio l’oit dit et contié. — Molt altament il comença à crié : — Bon roi de Spagna, ô esforç civalcié. (Cf. le couplet cxiv-cxv de notre texte.) Ce n’est pas là, encore un coup, une langue ni un dialecte particulier. Certains vers sont brutalement copiés sur le texte français, ainsi que la plupart des mots dans les autres vers. Puis, à côté de ces éléments servilement empruntés au texte français, il est certains vocables qu’on a grossièrement cherché à revêtir d’une apparence italienne : bocla, meço, Marsilio, Spagna, etc. D’autres mots enfin ne représentent que certains accidents de prononciation italienne, comme Çarlemaine, çent, çance, çamai, vençeç, etc. Ce qui prouve bien d’ailleurs que