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INTRODUCTION

entonna à la bataille d’Hastings, et, après des considérations sur les Chansons de geste, expose le plan de son édition. Alors il nous offre le précieux texte de la Chanson, divisé par laisses. L’édition est complétée par un Glossaire et un Index trop succincts, mais où l’on trouve plus d’une indication importante, et par la publication d’un certain nombre « de textes anglais, latins, allemands, italiens et espagnols relatifs à notre légende ». Cette seule partie du travail de M. F. Michel atteste une véritable largeur de vues qui n’était pas commune à cette époque. Je ne tairai pas un détail : l’éditeur offre à ses lecteurs un fac-simile assez exact du manuscrit d’Oxford. C’était leur donner le moyen de contrôler la date de ce manuscrit ; c’était aussi leur faire connaître le vêtement grossier sous lequel notre épopée nationale est parvenue jusqu’à nous. Quelle n’est pas la joie des érudits, lorsqu’ils contemplent le plus ancien manuscrit de l’Iliade ? Loin de nous la pensée de comparer ici les deux œuvres ! Mais enfin, à la vue du texte de la Bodléienne, les Français ne peuvent-ils pas éprouver une joie légitime ?

À la période d’invention[1]succède ici la période de vulga-

  1. La poésie cependant continuait glorieusement son rôle initiateur. Si l’on veut connaître comment l’École romantique a compris notre légende, et en quoi elle diffère ici de M. de Tressan ou de la Gaule poétique, il faut lire le Cor, d’Alfred de Vigny, dont nous devons au moins citer quelques strophes :
    J’aime le son du cor le soir, au fond des bois

    ...Âmes des chevaliers, revenez-vous encor ?
    Est-ce vous qui parlez avec la voix du cor ?
    Roncevaux ! Roncevaux ! dans ta sombre vallée,
    L’ombre du grand Roland n’est donc pas consolée !

    ...Tranquilles cependant, Charlemagne et ses preux
    Descendaient la montagne et se parlaient entre eux.
    À l’horizon déjà, par leurs eaux signalées,
    De Luz et d’Argelès se montraient les vallées.

    L’armée applaudissait. Le luth du troubadour
    S’accordait, pour chanter les saules de l’Adour ;
    Le vin français coulait dans la coupe étrangère ;
    Le soldat, en riant, parlait à la bergère.