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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

risation. Elle est surtout caractérisée par un livre qui fut publié plus de treize ans après celui de M. F. Michel, par le Roland de M. F. Génin. Mais il ne faudrait pas croire qu’entre ces deux œuvres, rien de décisif n’ait été publié sur nos vieux poëmes de mieux en mieux connus, de plus en plus aimés. Le grand pas venait d’être fait : on possédait enfin le texte imprimé de notre Chanson, et l’on n’avait plus à craindre que les discussions scientifiques restassent à jamais dans ce vague qui leur est si fatal. En 1838, M. Ampère[1], pour sujet de son cours au Collége de France, choisit « la Poésie épique du Moyen âge ». Dix ans plus tôt, on n’aurait pas toléré un tel titre, qui eût passé

    Roland gardait les monts ; tous passaient sans effroi...

    ...Deux éclairs ont relui ; puis, deux autres encor.
    Ici l’on entendit le son lointain du cor.
    L’Empereur étonné, se jetant en arrière,
    Suspend du destrier la marche aventurière...

    « Entendez-vous ? dit-il. — Oui, ce sont des pasteurs
    « Rappelant les troupeaux épars sur les hauteurs,
    « Répondit l’Archevêque, ou la voix étouffée
    « Du nain vert Oberon qui parle avec la Fée. »

    Et l’Empereur poursuit ; mais son front soucieux
    Est plus sombre et plus noir que l’orage des cieux.
    Il craint la trahison, et, tandis qu’il y songe,
    Le cor éclate et meurt, renaît et se prolonge...

    « Malheur ! c’est mon neveu ! Malheur ! car si Roland
    « Appelle à son secours, ce doit être en mourant.
    « Arrière, chevaliers, repassons la montagne.
    « Tremble encor sous nos pieds, sol trompeur de l’Espagne.

    ...Dieu ! que le son du cor est triste au fond des bois !
    Cette pièce est ainsi datée par son auteur : « Écrit à Pau en 1835. » Mais elle ne parut qu’en 1838, dans les Poëmes antiques et modernes. (Chez Delloye, in-8o, p. 273 et ss.)

  1. Cours de M. Ampère sur la Poésie épique du moyen âge. (Revue française, août 1838, t. VIII, pp. 93-119.) ═ L’année suivante, commença la publication de l’Histoire littéraire de la France avant le xiie siècle (4 vol. in-8o), œuvre de vulgarisation assez brillante, mais qui a été trop dépassée pour être encore d’une lecture utile.