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LA CHANSON DE ROLAND

« Eh ! méchant dieu, pourquoi nous fais-tu telle honte ?
« Et notre roi, pourquoi l’as-tu laissé confondre ?
« Tu paies bien mal ceux qui te servent ! »
Alors ils enlèvent à Apollon son sceptre et sa couronne ;
Ils l’attachent par les mains à une colonne,
Le retournent à terre sous leurs pieds,
Lui donnent de grands coups de bâton et le mettent en morceaux.
Tervagan y perd aussi son escarboucle.
Quant à Mahomet, on le jette dans un fossé,
Où les porcs et les chiens le foulent et le mordent...


CLXXXIX


Marsile revient de sa pâmoison
Et se fait porter dans sa chambre,
Sur les murs de laquelle on a écrit et peint plusieurs tableaux en couleurs.
La reine Bramimonde y est tout en larmes ;
Elle s’arrache les cheveux : « Ah ! malheureuse ! » répète-t-elle.
Puis, élevant la voix, elle dit encore :
« Ô Saragosse, te voilà donc privée
« Du noble roi qui t’avait en son pouvoir !
« Nos dieux sont des félons
« De nous avoir ainsi manqué dans le combat.
« Il nous reste l’Émir. Quelle lâcheté
« S’il n’engage pas la lutte avec cette race hardie, avec ces Français
« Qui ont assez de vaillance pour ne point songer à leur vie !
« Chez leur empereur à la barbe fleurie
« Quel courage, quelle témérité !
« Ce n’est pas lui qui reculerait jamais d’un seul pas dans la bataille.
« C’est grande douleur, en vérité, qu’il n’y ait personne pour le tuer. »