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LA CHANSON DE ROLAND

Au moment où ils arrivent en vue de la terre d’Espagne,
Tout le pays en est illuminé ;
La nouvelle en va jusqu’à Marsile.


CXCII


L’armée païenne ne veut pas faire halte un moment.
Elle sort de la mer, entre dans les eaux douces,
Laisse derrière elle Marbrise et Marbrouse,
Et remonte le cours de l’Èbre avec tous ses navires.
Que de lanternes, que d’escarboucles sur cette flotte !
C’est pendant toute la nuit une clarté immense...
Le jour même elle arrive à Saragosse.


CXCIII


Clair est le jour, brillant est le soleil.
L’Émir sort de son vaisseau ;
Espaneliz marche à sa droite ;
Dix-sept rois le suivent.
Quant aux comtes et aux ducs, on n’en sait pas le nombre.
À l’ombre d’un laurier, au milieu d’un champ,
On jette sur l’herbe un tapis de soie blanche ;
On y place un fauteuil d’ivoire,
Et le païen Baligant s’y assoit,
Tandis que tous les autres restent debout.
Leur chef parle le premier :
« Oyez, leur dit-il, francs chevaliers vaillants.
« Le roi Charles, empereur des Français,
« N’aura la permission de manger que si je le veux bien.
« Il m’a fait dans toute l’Espagne une trop longue guerre :
« C’est dans sa douce France que je veux aller l’attaquer ;
« Point ne m’arrêterai de toute ma vie,