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LA CHANSON DE ROLAND

« Avant de le voir à mes pieds, ou mort. »
Et Baligant donne sur son genou un coup de son gant droit.


CXCIV


L’Émir l’a dit, l’Émir s’entête
À ne pas s’arrêter pour tout l’or qui est sous le ciel,
Avant d’être à Aix, où Charles tient sa cour.
Ses hommes l’approuvent et lui donnent même conseil.
Alors il appelle deux de ses chevaliers,
L’un Clarifan, l’autre Clarien :
« Votre père, le roi Maltraïen,
« Faisait volontiers mes messages.
« Vous, allez à Saragosse, je le veux.
« Annoncez de ma part au roi Marsile
« Que je le viens secourir contre les Français.
« Si je les rencontre, quelle bataille !
« Donnez-lui ce gant brodé d’or,
« Mettez-le-lui au poing droit,
« Et portez-lui aussi ce bâton d’or massif.
« Puis, quand il sera venu me rendre hommage,
« J’irai en France faire la guerre à Charles.
« Si l’Empereur ne s’étend à mes pieds pour me demander grâce,
« S’il ne veut pas renier la foi chrétienne,
« Je lui arracherai la couronne de la tête.
« — Bien dit, » s’écrient les païens.


CXCV


« Et maintenant à cheval, barons, à cheval, dit Baligant ;
« L’un de vous portera le gant, l’autre le bâton. »
Et ceux-ci de répondre : « Ainsi ferons-nous, cher seigneur. »
Ils chevauchent si bien qu’ils arrivent à Saragosse ;