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LA CHANSON DE ROLAND

Et dans son cœur la joie.
Il se lève de son fauteuil, il se redresse,
Puis : « Barons, s’écrie-t-il, pas de retard !
« Sortez de vos vaisseaux, montez à cheval, en avant !
« Si le vieux Charlemagne ne nous échappe en fuyant,
« Dès aujourd’hui le roi Marsile sera vengé.
« Pour la main qu’il a perdue, je lui donnerai le chef de l’Empereur : une tête pour un poing. »


CCII


Les païens d’Arabie sont sortis de leurs vaisseaux,
Puis sont montés sur leurs chevaux et leurs mulets,
Et les voilà qui marchent en avant. Ont-ils rien de mieux à faire ?
Quand l’Émir les a tous mis en mouvement,
Il appelle un sien ami, Gemalfin :
« Je te confie le commandement de toute mon armée. »
Puis Baligant est monté sur son cheval brun,
Avec lui n’emmène que quatre ducs,
Et, sans s’arrêter, chevauche jusqu’à Saragosse.
Il descend sur un perron de marbre,
Et quatre comtes lui ont tenu l’étrier.
L’Émir alors monte par les degrés jusqu’au haut du palais,
Et Bramimonde s’élance au-devant de lui :
« Ah ! malheureuse, misérable que je suis ! s’écrie-t-elle ;
« J’ai perdu mon seigneur, et combien honteusement ! »
Elle tombe aux pieds de Baligant, qui la relève,
Et tous deux, en grande douleur, entrent dans la chambre d’en haut...


CCIII


Marsile, dès qu’il aperçoit Baligant,
Appelle deux Sarrasins espagnols :