en quel dialecte a-t-elle été écrite
Avant de dire ce qu’était l’auteur du Roland, il faut montrer ce qu’il n’était pas. Or, des deux attributions qui ont été hasardées jusqu’ici, la première est radicalement fausse ; la seconde paraît très-douteuse. On a fait tour à tour honneur de notre chef-d’œuvre à un certain Gilles, et à ce Turoldus qui est nommé dans le dernier vers de la Chanson. Discutons ces deux systèmes.
On lit au milieu de notre poëme ces quatre vers[1], bien faits pour fixer l’attention des érudits : Ço dit la Geste e cil ki el camp fu, — Li ber (seinz) Gilie por qui Deus fait vertuz — E fist la chartre el muster de Loüm : — Ki tant ne set ne l’ad prod entendut. Le mot seinz du second vers n’est pas dans le manuscrit, et a été restitué d’après les manuscrits de Venise et de Paris. Restaient donc ces trois mots : li ber Gilie, qui induisirent en erreur M. P. Paris[2] et quelques autres critiques. À tout prendre, il ne pouvait être question dans ce passage que d’une chronique ou de chartes dont notre poëte se serait servi, et le poëme lui-même n’était aucunement en litige. Mais il est trop évident qu’il s’agit ici d’une de ces fausses citations qui sont trop communes, hélas ! chez tous nos trouvères, et qu’ils se permettaient trop aisément pour attester leur véracité et capter la confiance de leurs lecteurs. Saint Gilles, bien qu’il ait en réalité vécu sous Charles Martel, a été mêlé par la tradition à la légende de Charlemagne. C’est lui qu’une voix céleste instruisit, dit-on, de ce grand péché que le fils de Pépin avait criminellement caché. Il faut, d’ailleurs, le considérer comme le grand thaumaturge du VIIIe siècle : les mots por qui Deus