archevêque de Vienne, avait, à raison de son frère, un intérêt visible à favoriser Compostelle et à répandre le culte de saint Jacques. Si donc un Viennois a pu écrire la Chronique de Turpin, c’est sous ce pontificat, ou jamais. Il est en outre bien probable, et même presque certain, qu’un tel livre n’a été écrit par un Viennois qu’après le voyage de l’archevêque à Compostelle. Or ce voyage eut lieu en 1108, et Gui cessa, en 1119, d’être archevêque de Vienne. C’est donc entre les années 1109 et 1119 qu’il faut placer la rédaction des vingt-sept derniers chapitres du Faux Turpin.
« C’est fort bien, dit ici le lecteur ; mais il me reste à comprendre comment les cinq premiers chapitres ont été soudés aux vingt-sept derniers pour ne former désormais qu’une seule et même œuvre, dont la popularité fut universelle. » Une hypothèse de M. Gaston Paris répond à cette dernière question et suffit à tout expliquer… Le second auteur du Faux Turpin aura sans doute accompagné son archevêque à Compostelle en 1108 : il y aura trouvé les cinq premiers chapitres qui formaient alors une œuvre à part, les aura emportés avec lui et leur aura donné la suite, le complément que l’on connaît. Cette soudure fut une fraude nouvelle[1] ; mais, en fait de délicatesse littéraire, il ne faut pas être trop exigeant envers un auteur qui a bien l’audace de se faire passer pour l’archevêque Turpin, mort 250 ans avant lui !
Tel est l’auteur, telle est la date de ces vingt-sept chapitres qui peuvent être considérés comme une Histoire de Charlemagne et de Roland, et qui sont connus dans le monde entier. Cette œuvre, où se fait si vivement sentir l’influence de notre vieux poëme, a exercé elle-même sur nos Chansons épiques une
- ↑ Le nom de Turpin, qui se trouvait au chapitre iii, a sans doute suggéré au Viennois l’idée de cette fraude. Il s’est dit peut-être en parlant de l’auteur espagnol de nos cinq premiers chapitres : « Comment ! il ne parle de Turpin qu’une seule fois, tandis que nos légendes et nos poëmes nationaux en parlent si longuement ! Mon prédécesseur a été incomplet : je vais le compléter. » Et, alors qu’il commettait un faux, il s’est fait accroire à lui-même qu’il « comblait une lacune ».