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HISTOIRE D’UN POËME NATIONAL

influence considérable. Elle a balancé la popularité de notre Roland, qu’elle imite si platement. Tous les documents littéraires du moyen âge, qui sont consacrés à la gloire du neveu de Charlemagne, se divisent en deux grandes familles, suivant qu’ils reproduisent les fables du Faux Turpin[1] ou la légende de notre Épopée. Cette parodie de notre poëme a fait un mal immense, et nous avons été, par cela même, forcé d’en parler longuement[2].

Roland n’avait pas besoin de cette œuvre cléricale[3] pour

  1. Voir, à la note du v. 96, l’énumération complète de ces œuvres qui se sont inspirées du Faux Turpin.
  2. La Chronique de Turpin a été mise en vers latins. Cette traduction, c’est le Karolellus en 2,100 vers, œuvre de la fin du xiie siècle. Il ne faut point la confondre avec le Karolinus, ce poëme historique sur Charlemagne que Gilles de Colonna composa pour l’éducation de Louis VIII et où quelques traits seulement sont légendaires. (Pour le Karolellus, v. F. Michel, première édition de la Chanson de Roland, p. 224.)
  3. Les manuscrits de la Chronique de Turpin sont très-nombreux : M. Potthast en énumère environ cinquante dans sa Bibliotheca historica medii ævi ; M. G. Paris en a vu vingt à la Bibliothèque Nationale (N. D. 133, S.-Germain, 465, 1,046, 1,306 ; Fr., 124 ; S.-Victor, 574 ; Lat., 3,550, 3,632, 3,708, 4,895 A, 4,998, 5,697, 5,925, 5,943 B, 6,041 A, 6,187, 6,188, 6,189, 7,531, 5,452.) Les deux meilleurs, à ses yeux, sont le ms. de N. D. 133 qui est aussi le plus ancien, et celui du Fonds latin 6,187. Ils ne sont pas interpolés comme les autres. ═ La Chronique de Turpin a été publiée pour la première fois à Francfort, en 1566, par Simon Schard : Germanicarum rerum quatuor vetustiores Chronographi. Reuber en a donné une seconde édition à Francfort, en 1584. Il en parut une 3e édition à Hanovre, en 1619. La quatrième est celle de Ciampi (1822), et la cinquième celle de M. de Reiffemberg qui s’est borné à reproduire, sans aucune critique, le texte de Reuber à la suite de sa Chronique de Philippe Mouskes (II, p. 489 et ss). ═ Nous devons à M. G. Paris, dans son De pseudo Turpino, une liste enfin raisonnée et exacte de différentes traductions des faux Turpin. La première est celle de Nicolas de Senlis (B. N. fr. 124 et 5,714), qui fut offerte à la fin du xiie siècle au comte de Saint-Pol, Hugues de Champ-d’Avesne, ou plutôt à sa femme Yolande. Cette traduction est effroyablement interpolée par un auteur saintongeais. Elle a été imprimée à Paris, en 1527. Une seconde « translation » est celle de maître Jean. Elle est plus connue sous le nom de Michel de Harnes, et fut composée sous le patronage de Renaud, comte de Boulogne-sur-Mer, en 1206. Le plus ancien manuscrit est le fr. 2,464 de la B. N. (Cf. les mss. de la B. N. fr. 1,444, 906, 573, 834, 1,621 ; de l’Arsenal