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NOTES ET VARIANTES, VERS 5-7

mais qui, d’ailleurs, ne se prononçait pas. Le scribe a oublié cette règle huit ou dix fois peut-être dans tout son texte : nous l’avons rétablie partout.

Vers 5.Citet. O. À cause du cas sujet, citez.

Vers 6.Mun[tai]gne. Mü. On lit fort bien le mot entier dans le manuscrit d’Oxford ; les crochets sont inutiles. — « Il restait un château que l’Empereur n’avait pu réduire ; on rappelait Saragus, et il était situé sur une montagne élevée. » (Keiser Karl Magnus’s Kronike.)

Vers 7.Marsilie. O. À cause du cas sujet, Marsilies.

═ Nous allons résumer ici, d’après le texte de toutes nos chansons, « l’Histoire poétique, la Légende de Marsile, » et nous ferons successivement le même travail sur tous les héros du Roland. Nous espérons, par cette suite de monographies, résoudre d’avance quelques difficultés de notre vieux poëme, et mettre en lumière la physionomie réelle de tous les acteurs de ce grand drame. ═ C’est durant l’enfance et la première jeunesse de Charlemagne que Marsile fait sa première apparition dans notre Épopée. Le jeune roi de France, persécuté dans son propre royaume par Heudri et Lanfroi, fils de Pépin et de la fausse Berthe, est forcé de s’enfuir en Espagne, à la cour du roi Galafre, père de Marsile : c’est là qu’il se cache, durant plusieurs années, sous le nom de Mainet. Or, Galafre a une fille, Galienne, pour laquelle Charles se prend du plus vif et du plus charmant amour. C’est cet amour qui lui inspire ses premiers exploits ; c’est en pensant à Galienne qu’il triomphe de Braimant, ennemi de Galafre. Un jour enfin il se fait reconnaître comme « l’hoir de France », et épouse Galienne. Mais le frère de la jeune fille, Marsile, n’a point vu ce mariage d’un bon œil. Il est jaloux de Charles, il le veut perdre, il l’attire dans une embuscade. Charles déjoue la ruse, terrasse Marsile, et finit par lui pardonner. (Charlemagne de Girart d’Amiens, B. N. 778, f° 38 r° — 50 v°. Ce poëme, ou plutôt cette compilation, appartient au premier quart du xive siècle.) ═ Tout autre est le récit du Karl, de ce poëme allemand dont l’auteur est connu sous le nom de « Stricker » (1230). D’après cette légende, c’est Marsile qui, tout au contraire, aide fort gracieusement le jeune fils de Pépin à conquérir son royaume contre deux traîtres appelés Winemann et Rappoldt (Guinemant et Rabel). ═ Mais, le plus souvent, Marsile est représenté comme un adversaire de Charles même enfant. Nous le retrouvons, dans une des deux versions d’Otinel, sous les traits d’un roi d’Espagne qui s’est emparé de Rome et députe Otinel comme ambassadeur à Charlemagne. (Otinel, xiiie siècle, édition Guessard, v. 23 — 137 et ss.) Or, le messager païen se convertit et devient le plus terrible ennemi de son ancien maître. (Ibid., v. 211-659.) La guerre s’engage, et les chrétiens mettent le siége devant Attilie. Le