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NOTES ET VARIANTES, VERS 2-4

Vers 2.Set ans. Suivant l’auteur de Gui de Bourgogne, c’est vingt-sept ans que Charles aurait passés en Espagne. Mais la leçon de Gui de Bourgogne ne fut jamais populaire, et Génin a raison de citer ici la farce de Pathelin, « où maître Pierre se vante à sa femme d’être aussi savant que s’il avait été à l’école autant que Charles en Espaigne. » (V. aussi Martial de Paris, cité par Littré au mot Charlemagne de son grand Dictionnaire de la langue française. )

Ested. O. Le d se prend pour le t à la fin de quelques verbes, participes, noms et adjectifs du texte d’Oxford. Dans les mille premiers vers de la Chanson, le d final, à la place du t, ne se retrouve pas plus de 26 fois sur un millier de cas. Nous l’avons partout remplacé par le t, qui, d’ailleurs, est plus étymologique. ═ Toutefois, il est un mot très-usuel, où le d a définitivement pénétré, sauf de très-rares exceptions : c’est ad venant d’habet (abt). Nous l’avons partout laissé tel que notre manuscrit nous l’offrait ; car nous nous proposons, dans ce texte critique, de reconstituer notre vieux poëme tel qu’il aurait été écrit par un scribe instruit et soigneux, avec les règles générales de la langue de son temps et les règles particulières de son dialecte spécial.

Ad ested en Espaigne. — La Keiser Karl Magnus’s Kronike dit : « L’Empereur ayant soumis l’Espagne et la Galice… »

Vers 3.Tresqu’en la mer cunquist la tere altaigne. O. — Le manuscrit de Versailles et celui de Venise VII nous offrent : Conquist ou conquest la terre jusqu’à la mer altaigne, et nous avons adopté cette version comme plus logique et plus précise. — Altaigne est, de toute la famille dérivant d’altus, le seul vocable qui n’ait pas pris l’h (Cf. halt, halte, haltur). Dans l’appendice de son Dictionnaire étymologique (p. 560), M. Brachet dit, après M. Max Müller, au sujet de cette h initiale : « Cette aspiration est due à l’influence des formes germaniques correspondantes (hoch, etc.). » Sans rejeter absolument cette opinion, il convient d’observer que certains mots de notre texte, — les uns venus du germain, comme helme ; les autres du latin, comme honor, — prennent ou rejettent tour à tour l’h initiale, qui, d’ailleurs, n’impliquait pas l’aspiration et s’élidait très-légitimement.

Vers 4.N’i ad castel. Ad, employé dans ce sens, gouverne toujours après lui l’accusatif. En d’autres termes, castel et les mots analogues sont nécessairement régimes. « Il y a un roi », se traduirait, dans un thème étymologique, par : Illud ibi habet unum regem. Cette observation, trop élémentaire peut-être, est néanmoins utile pour expliquer certaines parties de notre texte critique. ═ Au lieu de remaigne O, lire remaignet. Toutes les troisièmes personnes du singulier, sauf des cas excessivement rares, se terminent, dans le texte d’Oxford, par un t qui est étymologique,