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NOTES ET VARIANTES

à la main, tellement que tête et casque furent mis en pièces, et que les deux yeux furent chassés dehors. Alors Roland dit : « Dans un combat, il faut du fer pour se battre. Je ne me bats pas avec un bâton, comme les gardeurs de bestiaux. » Oliver répondit : « Je n’ai pas pris le temps de tirer mon épée, tant j’étais colère contre ce diable. » Et il tira son épée, qui s’appelait Hattagisser ; il en frappa un coup sur le casque d’un chef puissant, et le pourfendit jusqu’à la selle. Alors Roland dit : « Pour un tel coup, nous obtiendrons une grande récompense de l’Empereur. » Gerin et Geris tuèrent tous deux un chef appelé Timodes ; l’archevêque Turpin tua un guerrier païen nommé Sipor. Ils combattaient vaillamment des deux côtés. Alors il commença à tomber beaucoup (d’hommes) parmi les chrétiens. Cependant chacun d’eux avait frappé à mort dix ou douze païens. Les douze Pairs étaient les plus intrépides de tous au combat.

Pendant quelques jours, il se produisit alors ce prodige en France, qu’il fit aussi sombre que s’il eût été nuit, et que le soleil ne donna aucune lumière de lui-même, et que maint homme eut peur pour sa vie. Saint Gilles dit que ce prodige arrivait à cause de Roland, parce qu’il devait mourir en ce jour. Les païens [cependant] s’élancent par milliers à la fois [et succombent], si bien que, sur cent mille hommes, il n’échappa que l’agile comte Margaris. Et il ne méritait pas de reproches, encore qu’il fût en fuite : car toute son armure avait été brisée sur lui, et il avait été transpercé de quatre épées. Il dit au roi Marsilius que les païens étaient tous occis.

Alors le roi Marsilius envoya derechef contre les chrétiens cent mille hommes. Quand l’Archevêque vit venir les païens, il dit : « Avancez vaillamment, nous porterons couronnes au ciel ! » Les chrétiens répondirent : « Car nous voulons tous mourir plutôt que la France perde son bon los et renommée. » Ainsi ils recommencèrent à combattre avec un nouveau courage. Un païen, appelé Libanus, piqua Engeler entre écu, harnais et ventre, et il tomba mort de son cheval. Alors Oliver dit : « Il faut que je tire vengeance de ceci, si je le puis. » Et il frappa sur le casque de Libanus, et pourfendit homme et cheval, si bien que la pointe de l’épée se tint en terre. Au second coup, il occit un duc. Alors Roland dit : « Voici que tu es en colère. » Un païen, nommé Vallebrus, — il avait pris Jérusalem par trahison, était entré dans le temple de Salomon et avait occis le patriarche devant le maître-autel, — piqua Samson entre harnais et poitrine, et il tomba mort. Roland vit cela, il frappa sur le casque de Vallebrus, le pourfendit jusqu’à la selle. Et les païens dirent : « C’était un terrible coup. » Roland répondit : « J’en donnerai encore plus d’un tout semblable aujourd’hui, car nous voulons vous faire connaître le chemin de l’enfer. » Un fils du roi d’Afrique, nommé Mal-