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NOTES ET VARIANTES, VERS 96

la Pouille, la Calabre, le Maroc, qu’il a reçus de Charlemagne. Tant de bonté n’a pas désarmé la haine qu’il porte à l’Empereur, et il ne cesse de conspirer contre lui. Il offre à sa cour un asile au traître Alori, qui a assassiné Humbaut de Liége. Cette dernière insulte met à bout la patience de Charles, et il envoie à Jean de Lanson les douze Pairs pour le défier. (Jehan de Lanson, poëme du commencement du xiiie siècle, qui n’a d’ailleurs aucune racine dans la tradition, Ms. de l’Arsenal, B. L. F. 186, f° 108 et ss.) Les douze Pairs traversent toute l’Italie, et se voient menacés par les traîtres à la tête desquels est Alori. (Ibid., f° 121.) Par bonheur les messagers de Charles ont avec eux l’enchanteur Bazin de Gênes, qui, autre Maugis, emploie mille ruses pour déjouer les projets d’Alori. (Ms. de la B. N. 2,495, f° 1-13, v°.) C’est en vain que Jehan de Lanson oppose Malaquin à Bazin, magicien à magicien : Bazin parvient à restituer aux douze Pairs leurs épées qui leur avaient été habilement volées (Ibid., f° 14, v°), et trouve, à travers mille aventures, le secret de pénétrer en France, à Paris, où il avertit l’Empereur de la détresse de ses messagers. (Ibid., f° 15-29.) Charles réunit son armée : il marche sur la Calabre et, vainqueur dans une première bataille, met le siége devant Lanson. (Ibid., f° 29-55.) Encore ici, Bazin lui vient en aide. Il endort tous les habitants du palais de Lanson et le duc Jean lui-même. Charles pénètre dans ce château enchanté et délivre les douze Pairs depuis trop longtemps prisonniers... » (Ibid., f° 55-64 v°.) Ainsi se termine ce poëme curieux, œuvre purement littéraire et où la légende ne tient aucune place.

IV. Avant la grande expédition d’Espagne : 1° Charlemagne en Orient. « L’Empereur est à Saint-Denis. Il se met la couronne en tête et ceint son épée : « Connaissez-vous, dit-il à l’Impératrice, un chevalier, un roi auquel la couronne aille mieux ? — Oui, répond-elle imprudemment, j’en connais un : c’est l’empereur Hugon de Constantinople. » (Vers 1-52 ; 58 et suiv. du Voyage à Jérusalem et à Constantinople, première partie du xiie siècle.) Charles, brûlé de jalousie, veut aller voir ce roi si bien coiffé. Il part avec les douze Pairs, et va d’abord à Jérusalem pour adorer le Saint-Sépulcre. Suivi de quatre-vingt mille hommes, il arrive dans la Ville sainte. (Ibid., v. 67-108.) Reconnu par le Patriarche, Charles reçoit de lui la sainte couronne, un des clous, le calice eucharistique et du lait de la Vierge. L’attouchement de ces reliques guérit un paralytique : leur authenticité est, par là, mise en lumière. (Ibid., 113-198.) L’Empereur quitte enfin Jérusalem et se dirige vers Constantinople, après avoir fait vœu de chasser les païens de l’Espagne. (Ibid., 221-332.) Charles traverse l’Asie et arrive enfin à Constantinople, où il est gracieusement accueilli par l’empereur Hugon. (Ibid., 262-403.) Par malheur, les barons français ne se montrent pas