Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/132

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pas à tenir tête à une armée, avec une poignée d’hommes, l’enthousiasmait.

Bientôt la porte se rouvrit toute grande et, sous la conduite de deux grenadiers, s’avancèrent des êtres de mines très farouches et lamentablement déguenillés. Ils avaient l’air d’accusés conduits au tribunal. La vue de ce beau jeune homme en costume de bal, qui les accueillait en souriant, les déconcerta. La soie des habits, l’autorité du regard, leur donna l’impression vague de quelque chose de supérieur. Ceux qui avaient des bonnets ou des chapeaux les ôtèrent.

Bussy leur parla avec une bonhomie cordiale, leur démontrant qu’en servant bien la patrie on pouvait effacer quelques fautes de jeunesse, acquérir de la considération et faire des fortunes rapides.

Friel avait apporté un registre, qui contenait une courte biographie de chaque homme en regard de son nom. Il faisait l’appel et montrait au marquis les quelques lignes utiles à lire.

Beaucoup avouèrent de légères peccadilles. Bussy, les yeux sur le registre, ne pouvait pas toujours retenir une grimace devant l’énormité des peccadilles. Mais il écartait surtout les malingres, les souffreteux ou ceux qu’un vice abrutissant stigmatisait visiblement.

Quand Paradis revint dans le cabinet du gouverneur, il eût pu se croire dans une caverne de brigands ; mais cet aspect ne lui déplut pas.

— Ma foi ! voilà de bons diables ! s’écria-t-il. C’est tout à fait ce qu’il me faut. Sous le harnais, ils seront superbes.