Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/151

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d’observation. C’est le désir d’assister à ce combat qui m’attirait en ces lieux.

— Ne pourrais-je le voir aussi ? dit-elle vivement ; le massacre de ces barbares est un spectacle qui me plairait beaucoup.

— Rien n’est plus aisé : du sommet de ce tertre tapissé de fleurs, on découvre tout le champ de bataille.

— Allons, dit-elle, en se levant sous l’aiguillon d’une ardente curiosité.

On porta, sur la hauteur désignée, des coussins et un parasol frangé de perles sous lequel la reine s’installa.

La rivière, d’un azur splendide, faisait un coude, puis coulait, presque droite, à perte de vue, entre deux rives plates, couleur d’émeraude, interrompues, çà et là, par des bouquets de mûriers. Sur la rive opposée resplendissait l’armée du nabab, se développant sur une ligne longue et imposante : l’artillerie d’abord, puis les cavaliers et, derrière eux, quelques éléphants, dont l’un, plus haut que les autres, portant le grand étendard du Carnatic. L’infanterie se massait au delà.

— Mais, dit la reine, où sont donc vos Français ? La rive où nous sommes semble parfaitement déserte.

— Là, à quelques cents pas de nous ; ce bois de mûriers suffit à les masquer.

— Sont-ils si peu nombreux ? Vraiment ces Français ont une bien orgueilleuse folie !

— Ignores-tu donc, s’écria Chanda-Saïb, que quatre cents des leurs viennent, sous les murs de Madras, de mettre en déroute l’armée si brillante de mon rival ?