Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/203

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Une double haie de cavaliers, de l’entrée du camp à la tente royale, formait comme une large avenue. Ces hommes, à l’air fier et majestueux, avaient tous un morion de fer, sous leur turban de couleur vive, et une cotte de mailles retombait sur leur tunique de mousseline ; ils étaient armés de la lance, de l’arc et du sabre ; un léger bouclier s’arrondissait sur le flanc du cheval, et de l’autre côté était attaché le carquois, rempli de flèches, empennées avec des plumes de perdrix. Aussi immobiles que des statues, ces guerriers regardaient, comme sans le voir, passer au milieu d’eux le bataillon français, qui s’avançait seul, précédé par Chanda-Saïb, aussi armé en bataille et très superbe.

Devant la tente de Mouzaffer-Cingh, très haute, très large, en soie verte soutachée d’or, flottait l’étendard royal. Il était blanc, frangé d’argent ; sur une de ses faces on voyait représentés un livre et une main, sur l’autre étaient tracés des versets du Coran, les premiers de la sourate de la Victoire :

« C’est à Dieu, plein de savoir et de sagesse, qu’appartiennent les armées du ciel et de la terre.

« Nous avons remporté pour lui une victoire éclatante. »

Le Soubab s’avança, hors de l’ombre aux chauds reflets, et fit un pas sur le tapis étendu à l’entrée de la tente. C’était un jeune homme de haute taille, robuste, noir de visage, avec des yeux brillants, des lèvres rouges et une barbe légère. Il était coiffé d’un casque d’argent sombre, sur lequel les vingt et un mille noms d’Allah, gravés en lettres d’or, s’enchevè-