Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/240

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il était affaissé sur des marches, s’y appuyant des deux mains, tandis qu’une flaque rouge se formait devant lui. Un umara s’approcha.

— Babar, lui dit-il, veux-tu te venger ?

— Je me vengerai, j’en fais serment, répondit le malheureux, en essayant de se soulever.

— Suis-moi, alors, sans qu’on te remarque.

— Hélas ! l’horrible souffrance de cette plaie m’ôte la force. J’ai le vertige et ne saurais marcher seul.

— Viens donc, je te soutiendrai.

Tous s’en allaient par des chemins différents, sans se regarder, sans se saluer, les uns à cheval, les autres sur des éléphants ou dans des palanquins. Mais quand la nuit fut venue, ils se retrouvèrent, hors des murs d’Arcate, dans le magnifique tombeau des nababs assassinés.

Quelqu’un leur en ouvrait la porte, mystérieusement, et ils entraient dans une salle de porphyre incrusté d’or, éclairée par une lanterne multicolore se rattachant, à l’aide de chaînes, au centre de la haute coupole.

Ces hommes, tous des guerriers, restaient debout, les bras croisés, avec des mines sombres, se disaient les uns aux autres, pleins de véhémence et de colère, leurs griefs contre Nasser-Cingh.

— Il déshonore le pouvoir par sa conduite ; la scène d’aujourd’hui est une offense à notre dignité.

— Ivre le jour, débauché le soir, cruel et fou toujours ; il a fait de nous les serviteurs d’un pourceau.

— C’est un traître ; il avait juré, sur le Coran, de ne