Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/279

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d’un éléphant, et le timbalier, assis entre elles, les frappait de ses baguettes rebondissantes.

Enfin parut l’oriflamme de l’empire, le Mamurat, en moire blanche, avec la Main vermeille et le Livre, que les soubabs ont seuls le droit d’arborer. Puis la garde d’honneur termina le cortège.

La tente gigantesque, dressée sur la place Royale, extérieurement recouverte de toile d’or, miroitait sous le soleil au point de sembler une montagne en flammes ; on clignait les yeux, ne pouvant supporter cet éclat. À l’intérieur c’était un ruissellement des étoffes les plus somptueuses, alternant, se croisant, drapées avec art, se faisant valoir l’une l’autre : soies, brocarts, velours, cachemires, dont les textures disparaissaient presque entièrement sous les broderies. Le plafond était fait d’un tissu particulièrement splendide, constellé de corps célestes et qu’on appelle tchandtara, lune et étoiles.

Deux trônes s’élevaient sur une estrade, l’un d’ivoire et d’or, l’autre simplement surmonté d’un écusson fleurdelisé. Un baldaquin, en forme de parasol, bordé d’une frange de perles, les abritait, et laissait pendre, jusqu’aux tapis du sol, une gaze d’argent toute frémissante de pierreries. Deux paons géants, d’or ciselé, d’émaux et de saphirs, en relevaient les plis étincelants du bout de leur bec.

Le soubab vint s’asseoir sur le trône d’ivoire ! les princes et toute la noblesse du Dekan l’entourèrent.

Tout à coup les détonations de l’artillerie éclatent, avec un tel redoublement de fracas que les seigneurs hindous pâlissent et tremblent de frayeur. Ces