Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/333

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— Dans la forêt ! s’écria Lila d’un air épouvanté. Quoi ! tu préfères être la proie des bêtes féroces que de devenir la femme d’un roi jeune et puissant ! Ma pauvre bien-aimée, je te croyais résignée à ce malheur inévitable.

— Je l’étais, je ne le suis plus, dit la reine nerveusement ; ce serait une torture impossible, à présent.

— Pourquoi plus qu’autrefois, puisque ton cœur, impénétrable comme le diamant, est resté froid comme lui ?

— Mon cœur ! qui peut savoir quel poison le brûle ? dit Ourvaci les sourcils froncés.

— Moi ! moi ! Je le sais ! s’écria Lila. Ah ! méchante, pourquoi m’as-tu dissimulé si longtemps ce que je savais avant toi ?

— Quoi ? Qu’est-ce que tu sais ?

Et elle saisit les poignets de la princesse, en dardant sur elle un regard plein d’angoisse et de colère.

— L’amour ne peut être caché, fût-il enveloppé de cent voiles,

— Alors, la mort est mon seul refuge, si je n’ai pu garder le secret d’une telle honte ! s’écria la reine.

— Comme tu es cruelle pour moi, qui souffre de la même peine, et suis fière d’en souffrir ! dit Lila ; mais comment est-il possible que tu sois humiliée d’aimer un homme qui, venu d’un pays lointain, a en quelques années empli l’Hindoustan de sa gloire, et vient de faire ton fiancé roi ?

— Un infidèle !

— Ah ! ma reine ! s’écria Lila, Rugoonat Dat m’a révélé le secret des brahmanes ; cette phrase d’initia-