Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/35

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— Aide-moi donc ! s’écria Bussy, qui avait quelque peine à se soulever.

Il vit alors une expression extraordinaire dans ces yeux qui le regardaient : ce fut comme un tourbillon où se mêlaient la joie, la stupéfaction et la terreur ; mais ce ne fut qu’un éclair, la soumission passive l’éteignit. L’homme s’élança et soutint le blessé avec une délicatesse de nourrice ; cependant, tandis que ce dernier buvait, il détourna la tête le plus qu’il le put, et même ferma les yeux.

Ce breuvage parut à Bussy une ambroisie divine. C’était un mélange de neige, de miel et de sucs de fruits inconnus, une fraîcheur parfumée qui apaisa la brûlure de sa gorge et le fit retomber sur les coussins avec un soupir heureux.

Bussy allait interroger l’être bizarre dont les allures l’étonnaient au dernier point, lorsqu’il le vit se précipiter à plat ventre sur le sol.

Deux nouveaux personnages venaient d’entrer : l’un grand et plein de majesté, aux cheveux grisonnants, vêtu d’une robe blanche serrée à la taille par une cordelette d’argent ; l’autre pâle sous son turban avec une épaisse moustache noire, richement paré de brocart à ramages où le vert dominait. Le premier était un brahmane ; le second un médecin mogol.

Ils s’approchèrent tous deux du blessé, et le brahmane s’assit à ses pieds sur l’amoncellement de tapis et de coussins qui formaient la couche, tandis que le médecin découvrait la blessure.

— Essaye de soulever ton bras, dit-il.

Bussy obéit, mais son bras retomba lourdement.