Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/391

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pièces de campagne ; il envoya le même avis au commandant de Kanoul, qui se trouvait aussi sur la route qu’il voulait suivre. Puis il écrivit, de sa main, à Kerjean, une dépêche chiffrée, et ces quelques lignes au soubab :

« Rassure-toi, mon roi, et ne perds pas confiance dans celui qui t’a jusqu’ici conduit à la victoire ; j’ai un moyen certain de préserver ta capitale, c’est de marcher sur Pounah, la capitale de tes agresseurs. Tu les verras aussitôt rebrousser chemin en grande hâte pour aller défendre leurs États. Mais il ne faut pas perdre un instant ; je t’en conjure, fais partir tes troupes, dès cet avis reçu, avec le bataillon français qui sera prêt en une heure. Vous me rejoindrez à Béder. »

Ourvaci, immobile et retenant ses larmes, admirait cependant, à travers sa douleur, cette promptitude de décision, cette lucidité froide, que ne troublaient ni la brutalité de la nouvelle, ni le chagrin qu’elle causait. C’était le héros, l’intrépide guerrier, soigneux de sa gloire, qui maintenant se dressait devant elle, et elle avait peine à retrouver en lui l’amant qui tout à l’heure frémissait d’amour à ses pieds. Ce beau visage sévère, à l’expression impérieuse, ces yeux fixes sous le sourcil froncé, semblaient l’avoir oubliée.

Et elle songeait avec un confus sentiment de jalousie :

— S’il lui fallait choisir entre la gloire et moi, peut-être serais-je sacrifiée.

— Préviens Arslan-Khan et les officiers français, dit-il à Naïk en le congédiant, que tout ce qu’il y