Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/418

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rien de surnaturel. Le capitaine de Kerjean vient de s’approcher du général et s’incline profondément devant lui.

— Monsieur le marquis, dit-il, j’ai une prière à vous adresser ; mais je veux d’abord vous demander ma grâce. Je me suis rendu tellement coupable envers vous que je n’ose pas, pour me faire pardonner, invoquer l’indulgence d’une franche amitié, dont je ne suis plus digne.

— Ce que vous avez pu faire contre moi était pour le bien de la nation, dit Bussy, et il y a lieu de vous féliciter.

— Je vous ai dénoncé à mon oncle, s’écria Kerjean avec douleur, je vous ai accusé de lâcheté, vous !

La pâleur de Bussy redoubla, mais il répondit avec calme :

— Eh bien, n’étais-je pas un lâche ? Que ce fût par l’effet perfide d’un poison, cela ne vous regardait pas, et il était de votre devoir d’avertir Dupleix.

— Je suis resté sous vos ordres, avec un visage menteur, quand j’avais en ma possession le brevet qui me donnait le commandement en votre place. Je veux que vous sachiez toute mon infamie.

Et il lui tendit un parchemin plié.

— Vous avez très sagement agi, dit Bussy en repoussant le papier, gardez soigneusement ce brevet pour le cas où je viendrais à manquer.

Kerjean fut effrayé de la douceur froide avec laquelle le marquis lui répondait, sans presque le regarder ; il comprenait que ce calme ne masquait