Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/426

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elle resterait dans son souvenir comme une merveilleuse incarnation de cet Hindoustan, splendide et perfide, où les fleurs, au parfum trop fort, font perdre la raison, tuent quelquefois. Il se sentait une incapacité de vivre, qui adoucissait sa douleur par la certitude qu’elle durerait peu, et pourtant il songeait à ses devoirs envers le roi et que son honneur lui ordonnait de remplir ; ne se devait-il pas à lui-même de lutter jusqu’à la mort ? Cette pensée lui causa une lassitude affreuse ; il eût été si bon de se laisser engloutir doucement par les ondes calmantes du dernier sommeil, emporter sans résistance dans l’océan du suprême repos !

Il laissa passer les heures, le cerveau lourd, les membres inertes, sans pensée, presque sans souffrance, et revint à lui sous les rayons obliques du soleil couchant, traversant le vitrail, qui firent flamboyer les murailles, et le blessèrent par l’éclat de leur splendeur triomphale.

Il se leva et quitta, pour n’y jamais revenir, cette chambre ruisselante de lueurs, où, du fond des lointains inconnus, creusés à chaque facette, des êtres furtifs semblaient lui faire signe joyeusement et rire de son désespoir.