Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/78

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reux ! être un objet de dégoût, une peste pour celle qu’on voudrait charmer ! c’est délicieux ! Et tu t’imagines que cette aimable découverte ne va pas, d’un seul coup, effacer cette folie de mon cœur ?

Et il eut un éclat de rire.

— Serait-ce possible, maître ? murmura Naïk que cette gaieté étonnait. Pourtant, il secoua la tête, gardant ses doutes.

— Voyons, reprit Bussy, est-ce tout ce que tu sais ? Fais-moi boire l’antidote jusqu’à la lie.

— Le plus amer est passé. Mais il reste de curieuses choses. Il y a, près de la reine, un autre brahmane, nommé Panch-Anan, un des noms de Siva, qui est tout l’opposé de Rugoonat Dat ; il n’étudie pas comme lui les livres sacrés pour en comprendre la grandeur et le sens vrai, il s’en tient aux formules, et le fanatisme de sa piété n’a pas de frein. Panch-Anan est l’intime conseiller de la reine, il exalte sa dévotion et terrifie son âme. Sans la noble fermeté de Rugoonat Dat, dont le caractère en impose même à ses ennemis, ta vie peut-être n’était pas en sûreté. Il vint te voir pour montrer combien il réprouvait la façon dont tu étais traité. Panch-Anan n’osa plus alors réclamer ta vie ; il déclara que la reine pouvait être purifiée de la souillure par une cérémonie solennelle, et qu’en te payant ton service, on brisait tout rapport avec toi. Mais l’incantation n’a pas réussi, à ce qu’il paraît ; une entrevue de la reine avec Panch-Anan m’a révélé leur trouble à ce sujet. La purification n’a amené aucun apaisement, la reine se sent souillée comme auparavant, elle se dit malade, énervée, le