Page:Gautier - La Conquête du paradis.djvu/95

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l’embellissez. Mais rassurez-vous, nous aurons l’occasion de déployer toutes nos grâces, dans le costume qui nous plaira, au prochain bal chez le gouverneur.

Marion s’avança pour donner à Bussy son épée et son tricorne galonné d’or, et les deux jeunes gens sortirent, à pied.

Il faisait un temps délicieux. La mousson, qui soufflait maintenant régulièrement, amenant des pluies fréquentes, rafraîchissait l’air et faisait tout fleurir et verdoyer. Bussy s’émerveillait de Pondichéry, qui semblait un parc immense.

— C’est Versailles, disait-il, mais un Versailles tropical, avec une végétation géante dont le roi-soleil n’a pu imaginer la splendeur.

— Nous sommes ici dans le quartier noble, dit Kerjean ; à l’intérieur des murailles, la ville n’est pas aussi fraîche et agréable, quoique très embellie déjà par mon oncle. Tout cet espace qui enveloppe Pondichéry depuis la mer jusqu’à la rivière d’Ariancopan sur une largeur d’un mille, en formant un demi-cercle de six milles de long, est enfermé par une haie formidable, faite de cocotiers et de palmiers, renforcée par le bas d’aloès et de cactus énormes qui la rendent impénétrable. C’est une défense très sérieuse contre la cavalerie, et l’infanterie se déchirerait ferme à essayer de la franchir. Cette haie bornait autrefois le terrain concédé aux Français par les princes du pays ; on l’appelle encore la Haye-de-limite. Il faut voir cela, c’est très curieux.

— Alors, c’est ici que loge la bonne société ?

— La bonne et la médiocre, tous ceux qui possè-