Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/236

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III

d’après nature


La semaine prochaine, je peindrai d’après nature. Enfin j’ai une boite, un chevalet et des couleurs ! Comment prendrai-je ma palette, ronde ou carrée ? Carrée, c’est plus sévère, plus primitif, plus ingresque ; la palette d’Apelles devait être carrée ! Oh ! les belles vessies, pleines, fermes, luisantes ! avec quel plaisir vais-je donner dedans le coup d’épingle qui doit faire jaillir la couleur !… Aïe ! ouf ! quel mauvais augure ! le globule, trop fortement pressé entre les doigts, a éclaté comme une bombe, et m’a lancé à la figure une longue fusée jaune : il faudra que je me lave le nez avec du savon noir et de la cendre. Si j’étais supertitieux, je me ferais avocat. Je vais donc peindre, non plus d’après des gravats insipides, mais d’après la belle nature vivante ! Dieux ! si c’était une femme ! ô mon cœur, contiens-toi, réprime tes battements impétueux, ou je serai forcé de te faire cercler de fer comme le cœur du prince Henri. Ce n’est pas une femme ; au contraire, c’est un vieux