Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/253

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ras ; mais lévriers, caniches, bassets, dogues, carlins, quoique très-différents entre eux, se font aisément reconnaître pour chiens, et personne ne s’y trompe.

Il en est de même du bourgeois : chauve, ventru, avec ou sans favoris, le nez rouge ou bleu, l’œil vert ou jaune, la jambe circonflexe et l’échine prolixe, il n’en est pas moins un bourgeois ; et tout homme qui passe et le voit marcher ou s’asseoir, dit avec un ricanement singulier : « C’est un bourgeois. »

Un signe distinctif et principal des bourgeois, c’est un immense col de chemise, en toile fortement empesée, qui lui monte par-dessus la tête et l’empêche de mettre son chapeau, qu’il porte habituellement à la main. L’oreille du malheureux, qui ordinairement est écarlate et recouverte d’un duvet blanc comme celui d’une feuille de bardane, se trouve, malgré son innocence, impitoyablement guillotinée par ces deux triangles blancs. Grâce à ce monstrueux col de chemise qui le fait ressembler à des fleurs enveloppées dans du papier, le bourgeois a toujours l’air d’aller souhaiter la fête à quelqu’un et de lui apporter sa tête en guise de bouquet.

Toutes les fois que vous verrez cette muraille de toile au col d’un individu, quelles que soient d’ailleurs les formes de son corps et les couleurs de son pelage, et