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Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/336

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la classe de danse ; il n’existe que là ; vous chercheriez vainement un rat sur toute la surface du globe. Paris possède trois choses que toutes les capitales lui envient : le gamin, la grisette et le rat. Le rat est un gamin de théâtre qui a tous les défauts du gamin des rues, moins les bonnes qualités, et qui, comme lui, est né de la révolution de juillet.

On appelle ainsi à l’Opéra les petites filles qui se destinent à être danseuses, et qui figurent dans les espaliers, les lointains, les vols, les apothéoses et autres situations où leur petitesse peut s’expliquer par la perspective. L’âge du rat varie de huit à quatorze ou quinze ans ; un rat de seize ans est un très-vieux rat, un rat huppé, un rat blanc ; c’est la plus haute vieillesse où il puisse arriver ; à cet âge, ses études sont à peu près terminées, il débute et danse un pas seul, son nom a été sur l’affiche en toutes lettres ; il passe tigre, et devient premier, second, troisième sujet, ou coryphée, selon ses mérites ou ses protections.

D’où vient ce nom bizarre, saugrenu, presque injurieux, et qui, en apparence, a si peu de rapport avec l’objet qu’il désigne ? Les étymologistes sont fort embarrassés : les uns le font descendre du sanscrit, d’autres du cophte, ceux-là du syriaque, ceux-là du mandchou