Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pers, des parties de plaisir, des bals masqués et des orgies de carnaval ; maintenant, elles inspirent à leurs enfants des idées d’ordre et d’économie, qui feraient honneur aux mères de famille du Marais ou de la rue Saint-Denis. Ces phrases : « Il faut songer à se faire un sort ! Tu n’oublieras pas ta mère quand tu seras heureuse ! » reviennent à tout instant dans leur conversation.

Les rats mettent à la caisse d’épargne, ce qui annonce évidemment la fin du monde ! À la vie échevelée et folle a succédé la vie de ménage, la vie de pot-au-feu, le bouilli sans persil. Enfantin chercherait vainement la femme libre à l’Opéra : tout ce peuple est arrangé par couples, comme les animaux de l’arche, et vit maritalement. Ces unions morganatiques sont fort à la mode, et nous devons dire que, sauf quelques exceptions, la fidélité y est aussi exactement gardée qu’ailleurs. Les marcheuses, dont le nom si tristement significatif, indique qu’elles seraient mieux sur l’asphalte où on les a prises que sur les planches de l’Opéra, gardent seules l’ancienne licence ; mais ce qui n’était que de la débauche élégante et folle devient chez elles du stupide libertinage. Au moins, le rat est artiste, il a une autre ambition que celle de l’argent :