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Page:Gautier - La Peau de tigre 1866.djvu/55

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Il avait bien vu collées au lourd manteau des cheminées, dans les fermes, des images comme le portrait d’Isaac Laquedem, de Geneviève de Brabant, de la Mère de Douleurs, avec ses sept glaives enfoncés dans la poitrine ; mais ces grossières gravures sur bois placardées de jaune, de rouge et de bleu, dignes des sauvages de la Nouvelle-Zélande et des Papous de la mer du Sud, ne pouvaient éveiller aucune idée d’art dans sa tête. Les dessins de l’album de la jeune femme, avec leur netteté de crayon et leur exactitude de formes, furent une chose tout à fait nouvelle pour Petit-Pierre.

Le tableau de l’église paroissiale était si noir et si enfumé, qu’on n’y distinguait plus rien, et, d’ailleurs, il avait à peine osé y jeter les yeux, du porche où il se tenait agenouillé.

Le soir vint. Petit-Pierre enferma ses moutons dans le parc et s’assit sur le seuil de la cabane à roulettes, qui lui servait de maison l’été. Le ciel était d’un bleu foncé. Les sept étoiles du Chariot luisaient comme des clous d’or au plafond du ciel ; Cassiopée, Bootès scintillaient vivement. Le jeune berger, les doigts noyés dans les poils de son chien, accroupi auprès de lui, se sentait ému par ce magnifique spectacle qu’il était seul